Flashback | Au clair de la lune [Donovan Ravenclaw et Aliénor Emmëlire]

Musique facultative:

Je pense que cette nuit-là  fût l’une des rares fois où je me sentis aussi paisible et relaxée en dansant. L’atmosphère nocturne, presque hivernale, était éclairée par les quelques étoiles qui recouvraient le ciel d’un bleu marin quasi mystique. Les feuilles des arbres et des buissons du bois, encore perlées par quelques gouttes de pluie fraîchement déposées, scintillaient d’autant plus et semblaient refléter quelques rayons frais aux abords de la rivière. Un petit morceau du fleuve annonçait aisément le clair de la lune. Celui-ci tremblait et disparaissait lors des faibles courants de l’eau provoqués par les poissons  nocturnes qui s’échappaient un bref instant du ruisseau.

La région semblait tranquille, raison pour laquelle je m’étais permise de sortir en pleine soirée pour ne pas rater cette opportunité qui s’offrait à moi. C’était probablement inconscient, immature et irréfléchi, mais je n’avais tout simplement pas pu m’en empêcher. C’était l’une des rares libertés que je me permettais, et elle n’entachait nullement mon apprentissage de la magie ou des bonnes moeurs. Je savais que le Père Adriel, ainsi que les sœurs de l’Eglise, agissaient pour mon bien, et je ne pouvais que leur en être reconnaissante pour tout ce qu’ils avaient fait pour moi et mon frère jusqu’à présent. Toutefois, il y avait comme en moi un sentiment de liberté que j’avais besoin d’explorer, d’exprimer. Un attrait de l’inconnu et de l’aventure inexploité qui faisait de moi la fille que j’étais. Et pourtant, je n’était pas bien turbulente ou rebelle dans l’âme, bien au contraire.

Les oiseaux dormaient. Les insectes, eux, chantaient. Ils récitaient et sifflaient comme s’ils avaient eux aussi entendu l’appel de la forêt pour entamer une mélodie des plus soyeuses. C’était presque comme écouter une mélopée.

Sous ses rythmiques suaves, je n’avais pu m’empêcher de débuter un ballet. Mes pieds patinaient sur l’herbe tendre, mes bras glissaient dans la brise sifflante. Quant à ma chevelure argentée, elle caressait mon visage ou mes épaules à chaque tour. Il ne faisait pas réellement chaud, on aurait même pu dire qu’il faisait frais, mais j’étais tellement transportée par l’atmosphère spirituelle que mon corps en était devenu totalement insensible. J’aurais pu m’éterniser ainsi des heures durantes. J’aurais pu danser sans interruption jusqu’à l’aube. Hélas, le rêve ne comptait pas rester figé dans le temps. Un retour à la réalité semblait inévitable, c’était pourquoi il me fallait spéculer sur l’opportunité du moment, sur l’instant présent, et danser jusqu’à n’en plus pouvoir. Valser, sauter et tourner pour élever mon âme, exprimer mes émotions. Pour laisser s’échapper toute cette tristesse accumulée au fil des années sans n’avoir jamais pu me libérer de ce lourd fardeau qu’était le manque, l’absence, le deuil.

Ce chagrin trop longtemps contenu ne tarda pas bien longtemps à se présenter sur mes joues comme de précieux trésors. J’avais horreur de ça. Je ne supportais pas voir à quel point j’étais faible face à mes émotions, et impuissante face au destin. J'étais encore très jeune à cette époque-là. Le monde semblait si vaste, si rude. Et moi, j’étais si frêle, si insignifiante. Que pouvais-je bien faire à mon âge qui puisse réellement avoir de l'importance ?