Il n’y avait qu’une étendue, qui semblait morte, et pourtant regorgée de vie. Cette étendue pouvait sembler infinie aux yeux de tout voyageur inadapté à la vie dans les landes gelées d’Ashenwall, mais surtout devenir un piège mortel pour les idiots incapables de reconnaître un danger pourtant bien connu des natifs de la contrée.
Mais tout cela ne concernait pas le voyageur solitaire qui traversait la forêt gelée de la contrée de l’hiver, cela n’était ni la première ni la dernière fois, du moins tel que le proclamait le mercenaire à la chevelure d’argent, qu’il traversait cette terre crainte pour sa faune éternellement affamée, sa couche perpétuelle de neige de glace coupant court à tout espoir de survivre une seule nuit sans un feu solidement entretenu.
Pourtant malgré son désir brulant de vivre, et sa volonté farouche, la forêt gelée accomplissait peu à peu son œuvre mortifère sapant pas après pas les forces du voyageur courageux, il était évident que la nuit n’allait pas tarder à prendre sa place dans le ciel, et la maigre luminosité permise par les larges sapins et arbres n’allait pas tarder à disparaître laissant débuter le règne des prédateurs, qui d'après les dires des natifs d'Ashenwall étaient plus terribles et dangereux que partout ailleurs.
Il y avait toujours eu un mythe parlant de monstres gigantesques emportant les voyageurs solitaires, et ce de tout temps, pourtant le courageux voyageur n'avait jamais cru à ces histoires. Certes de nombreux marchands, de nombreux réfugiés avaient disparu dans cette forêt, emportant avec eux le secret de leurs disparitions, pourtant le mercenaire en avait toujours été sûr que rien de plus dangereux que la nature elle même n'était à l'origine. Toutefois même ses plus plus fermes croyances avaient tendances à se fracasser depuis le grand cataclysme.
Lui qui avait toujours refusé de croire à l'existence des bêtes de légende, le grand dragon avait balayé ses rejets avec une force absolue, brisant les croyances que l'homme portait d'un monde de logique et basé sur un rejet féroce des superstitions populaires. Maintenant plus rien n'était sûr, et rien ne serait plus surprenant, même si un cerf carnivore cyclope venait à l'emporter en pleine nuit. Pourtant malgré toutes ces histoires fantaisistes ou non, le froid restait le plus grand de tous les dangers.
Sachant qu’il ne survivrait pas une seule nuit sans un couvert et un bon feu, monstres géants ou non, Aerdris sut que sa longue marche prenait fin et qu’une autre manche pour la survie allait débuter, une manche répétée jour après jour, tenant son rôle d’horloge afin de ne pas anéantir toute notion du temps au mercenaire solitaire.De toute manière la fatigue prenait peu à peu le dessus et il n'était pas particulièrement intelligent de présumer de ses propres forces.
Cela faisait déjà trois jours que le serpent blanc avait commencé son long périple pour regagner les terres fortaises, et il en faudrait encore deux avant de quitter la lisière de la forêt gelée. Toutefois cela ne signerait pas pour autant la fin du voyage, les landes stériles suivraient, et après un autre défi tout aussi terrible, le bourbier, ce gigantesque marécage servent de barrière naturelle au territoire de Haut le Fort.
Aussi il n’y avait nulle raison de presser stupidement le pas. Bien équipé, et assuré dans ses gestes, Aerdris ne perdit pas plus de temps et entreprit de monter un campement de fortune. De larges branches mortes suffirent pour former une barrière, de plus petites branches et de la corde suffirent à relier les troncs afin de briser les souffles du vent assurant de ne pas souffrir du froid glacial.
Une fois assuré que son abri était suffisamment solide pour ne pas être emporté à la moindre brise, l’impérial commença relier plusieurs branches entre elles, non pour servir de palissade cette fois, mais afin de bâtir un toit, qui même s’il n’était pas très utile en cas d’averse, donnait une impression d’avoir affaire à une cabane, même si au final il ne recouvrait que les deux tiers de la bâtisse.
Satisfait, mais ayant perdu finalement beaucoup plus de temps que prévu, Aerdris pénétra dans son abri de fortune. Il était alors temps de faire l’élément central à la survie, le feu. Désormais la nuit était pleinement tombée et déjà la faune s’agitait. Il fallut toutefois encore une dizaine de minutes pour parvenir à allumer le feu, le froid perçant était si cruel qu’il devenait difficile de se servir avec précision de ses mains.
Heureusement le feu finit par prendre, alors même que les premiers hurlements de loups pouvaient être entendus. Peu à peu la chaleur prit le dessus sur la fraicheur ambiante et une torpeur agréable envahit le mercenaire. Alors même que ses sens étaient de moins en moins affutés et qu’un désir imparable de sommeil prenait le dessus, Aerdris alimenta une dernière fois la seule source de chaleur environnante. Puis la fatigue gagna enfin la partie emportant l’esprit du soldat vers le royaume des rêves.